♘امیرحسین♞
♘ مدیریت انجمن اسب ایران ♞
Le cheval appelé « Barbe » est tout simplement le cheval indigène du MAGHREB. Cette région géographique a été « identifiée » sous ce nom dés le Xème siècle de notre ère par les géographes arabes. Ils l'ont décrite comme formée des pays que l'on appellera plus tard : LIBYE, TUNISIE, ALGÉRIE, MAROC, ESPAGNE, sans oublier la SICILE. De nos jours, ce terme de Maghreb désigne encore les pays d'Afrique, au nord du Sahara, le plus grand désert du monde. Ce nom arabe est symétrique de Maschrek qui désigne le reste de la « Nation Arabe », qui se situe au proche orient.
Cela dit, partons à la recherche du cheval du Maghreb.
Ière PARTIE
Dans l'Antiquité, les Européens occidentaux que nous sommes, héritiers des Romains, se souviennent qu'à la fin de cette période historique, les territoires de la rive sud de la Méditerranée constituaient les provinces : de Cyrénaïque, d'Afrique, de Numidie et de Maurétanie (Tingitane et Césarienne : Tanger et Cherchell) appartenant à l'EMPIRE d'AUGUSTE et à ses successeurs.
Les provinces d'Afrique et de Numidie étaient le « grenier à blé » de Rome. Pour les protéger contre les raids des nomades cavaliers (car à cette époque le dromadaire n'avait pas encore été introduit au Sahara et les nomades chameliers n'existaient pas !), les Romains imaginèrent et réalisèrent un énorme dispositif défensif. On l'appelle dans l'histoire de l'Antiquité : « (le) limes et fossatum Africae » !!!
Il était constitué de forts et fortins, de routes et chemins, de fossés et de murs ; soit une ligne de défense avancée quasi-continue, qui partant de LEPTIS MAGNA (Tripoli), contournait les AURES par le sud et remontant vers le nord ouest, atteignait CESAREE (Cherchell).
Cette ligne de défense était soutenue en profondeur par un réseau de voies (romaines) pour amener les renforts des villes de garnisons : Thelepte (Feriana) - Tébessa - Timgad - Lambasis - etc...
En 1992, j'étais à la fête annuelle des « Ouled sidi Tlil » à Feriana (S.O. de la Tunisie - haute steppe). Mon ami Fathi Tlili, descendant direct des Saints Fondateurs de la « Zaouïa », me fit cadeau de pièces de monnaies à l'effigie de TRAJAN, empereur de 98 à 117 ; pièces trouvées dans sa ferme de Thelepte : le Haras el Kheïma !
Ainsi nous avons la preuve que, de même qu'ils durent combattre les cavaliers Parthes dans l'orient de leur empire, les Romains ont dû faire face en Afrique du Nord à une puissante menace des Cavaliers Gétules. L'importance du système de défense prouve les qualités guerrières des Cavaliers de ces populations des steppes du sud et la réalité de la menace qu'ils firent peser sur l'Empire.
Les chevaux de ces nomades étaient les lointains ancêtres de nos Barbes, des bonnes variétés du Sud et des hauts plateaux.
A la même époque, dans les colonies romaines au nord du « Limes », existaient aussi des races de chevaux de sédentaires, tant à l'Est qu'à l'Ouest, près du littoral maritime. On peut les voir sur les mosaïques rassemblées au Musée du Bardo à Tunis et celles des ruines de Volubilis au Maroc. Ces chevaux là étaient déjà caractérisés par leurs rondeurs et l'épaisseur de leurs muscles !
Au Moyen-âge, à la fin de l'empire romain, les limes désertés par les milices locales s'ouvrirent et laissèrent passer les « Barbares » au Nord (ici même) et, les « nomades cavaliers » au Sud.
Au Nord, les Vandales, à la triste mémoire, ravagent les Gaules et pénètrent en Espagne vers 409. Ils y resteront jusqu'en 425, puis passeront en Maurétanie. Sous les ordres de Genséric, ils pillent toutes les colonies romaines du littoral et arrivent à Carthage en 439.
Certains prétendent qu'il auraient fait ce long chemin avec leurs chevaux germaniques (?), dont ils veulent faire des ancêtres Barbe ? Hypothèse hasardeuse ! En tout cas, le métissage imaginé n'aurait pu se faire que sur de faibles effectifs et se serait limité aux rives de la Méditerranée ! Là où, plus tard, on trouvera les plus mauvais barbes.
Au Sud de l'empire, et dans le même temps, le « limes africae » s'ouvrit aux nomades cavaliers qui le harcelaient depuis des siècles ! Ils se répandirent avec leurs troupeaux de moutons et de chèvres du 32° au 36° parallèles, régions des steppes. Ainsi s'établit au nord du Sahara le système de transhumance sud-nord et retour des nomades pasteurs cavaliers, organisés en Tribus puissantes, et ceci pour des siècles. Ce système pastoral est connu sous le nom arabe d'ACHABA, du mot « e’acheb » qui veut dire herbe. Il produira les meilleurs moutons et les meilleurs chevaux !
Ibn Khaldoun, le grand historien des tribus de l'Afrique du Nord, a désigné ces populations nomades du Maghreb sous le nom de « ZENETES ». Alors qu'il appelait « SANHAJAS », les montagnards sédentaires de cette même région.
Il faut bien comprendre que ce sont les Zénètes qui ont produit, élevé et sélectionné, dans ces régions steppiques du sud, grâce à leur mode de vie nomade et pastoral, le véritable cheval du Maghreb. Il sera appelé « barbe » plus tard !...
Les Vandales disparurent après avoir été vaincus par Bélisaire en 534, envoyé par Justinien, Empereur de Byzance pour reconquérir la province romaine d'Afrique. Cette reconquête se limitera aux cités du nord du 36° parallèle.
LES BERBERES
Les Zénètes ne reconnurent jamais l'autorité de Byzance. Leurs descendants, à notre époque, s'appellent eux-mêmes « IMAZIGHEN », c'est-à-dire « hommes libres ».
Car, en effet, après la chute de l'Empire romain d'Occident, les zénètes possédèrent toutes les steppes pré-sahariennes et toutes les hautes steppes (Hauts plateaux) jusqu'au 36° parallèle. Des siècles de liberté durant lesquels ils nomadisent avec leurs troupeaux, des pâturages d'hiver de Ghardaïa au Sahara, aux pâturages d'été dans le Tell de Tiaret. Leurs chevaux sobres et endurants permettaient à leurs cavaliers de protéger leur « achaba », mais aussi de faire des razzias chez les tribus congénères. C'était cela l'économie nomade !
Mais au VIIème siècle, de nouveaux conquérants arrivent par terre. Ils viennent du MASHREK.
LES ARABES
Ce sont les ARABES ! Maître de La Mecque en 630, le Prophète MAHOMET (mort en 632) lança les croyants à la conquête du monde ; ils prenaient Jérusalem en 638.
En 647, après avoir soumis la Libye. avec 400 chevaux, les arabes atteignent l'Afrique Byzantine. Ces conquérant venant d'Arabie marchaient vers l'ouest... vers le coucher du soleil, qui se dit en arabe: « moghreb ». C'est pourquoi, ils donnèrent à ces nouvelles terres, entre le grand désert et la mer, le nom de « Djaziret al Maghrib », l'île du couchant (Magreb en prononciation française).
Ces arabes ne comprenaient pas le langage des Zénètes et des Sanhajas
Ils dirent : « c'est un jargon », qui se traduit en arabe par « barbara ». Nous en avons fait « berbère ». D'autant plus facilement que le nouveau nom donné à cette époque à cette région par les européens était « barbaria ».
Les nomades Zénètes étaient aussi bons cavaliers, voire meilleurs, que les conquérants arabes ! Ceux-ci apportaient d'Orient la selle avec étriers et la ferrure pour les chevaux. Les guerres favorisant les échanges de techniques, les Zénètes les adoptèrent. C'était un progrès considérable qui explique pourquoi la conquête du Maghreb fut si difficile et longue. Elle ne sera achevée qu'en 709. Tandis que la conquête suivante, celle de l'Espagne, qui sera faite par les cavaliers Berbères Zénètes sera très rapide ... quelques années !
Le nom de Sidi OKBA ben NAFA reste attaché à la conquête du Maghreb. En 670, il établit sa base d'opérations au Nord-Est de la zone des steppes qu'il voulait conquérir. C'est Kairouan, la plus ancienne ville arabe du Maghreb. On reconnaît dans ce nom celui de « Karaouan » c'est-à-dire « caravane ». Ce fut d'abord le « campement » des caravanes de la conquête.
Après la création de sa base de départ, et avant de se mettre en campagne, Sidi OKBA renouvela et augmenta sa cavalerie. _Il la remonta avec les chevaux des nomades de la réqion qui s'étend de Kairouan à Khenchela. Il recruta les cavaliers berbères récemment convertis à l'Islam.
Alors il put se lancer à travers le Maghreb. Par Thelepte - Tébessa - Timgad - Tihaert - Calama (Tlemcen), il atteint le Moghreb et aqsa (Maroc), et par Oulila (Volubilis la romaine), il parvint à Tingis sur le détroit des colonnes d'Hercule (Tanger). On dit qu'arrivé sur les plages de l'Atlantique, il poussa son cheval (barbe ?) dans les flots et prit Dieu à témoin qu'il avait fini la conquête.
C'est au retour de cette grande expédition, revenant à Kairouan, qu'il mourut au combat en 663, près de Biskra où il est enterré.
Il est important de noter que cette nouvelle conquête de l'Afrique du Nord par un nouveau conquérant, venant par terre, se fit par l'intérieur, par les steppes des Zénètes. Ces nomades se convertirent à la nouvelle religion et vinrent grossir les rangs des « Cavaliers de l'Islam ».
Cette conquête du Maghreb se termina en 709 avec la prise définitive de Tanger par l'Émir berbère Tarik ben Ziad.
En 711, ce berbère envahit l'Espagne des Wisigoths avec 8000 cavaliers et chevaux zénètes. Ils débarquent dans la baie dominée par la montagne célèbre qui prendra le nom du conquérant : Gibraltar, le djebel de Tarik !
Les renforts berbères ne cesseront pas de rejoindre les avant-gardes ... et Tarik s'emparera en quelques mois de tout le sud de l'actuelle Andalousie : Al Andalus, désormais province du Maghreb !
En 712, l'émir Moussa ben Nuçair débarque à son tour à Al Djezair (Algésiras) avec 15 000 chevaux zénètes. Il achève la conquête de la péninsule jusqu'aux Pyrénées (719). Ainsi l'Espagne a été conquise en quelques années. Attirés par le butin, les cavaliers berbères islamisés se sont déversés sur l'Europe avec leurs chevaux. Car il faut savoir que la coutume musulmane donnait trois parts du butin au cavalier pour une seule part au fantassin.
Ces cavaliers allèrent jusqu'à la Loire et à la Saône ; ils garderont Narbonne jusqu'en 759.
Voilà comment s'est produite la première importation massive du cheval du Maghreb en Europe.
Elle est prouvée par les traces laissées dans les parlers européens. Vous le savez : le genet d'Espagne fut considéré longtemps comme le meilleur cheval de selle. Eh bien, ce n'est autre que le « zénète d'Espagne », c'est-à-dire le produit né en Espagne de l'étalon berbère (Das berber-pferd).
Notons encore, pour être complet, qu'au Moyen-âge, ce cheval est aussi connu en Europe sous le nom de More ou de Morisque. La raison en est qu'au XIème et au XIIème siècles, les cavaliers marocains des dynasties Almoravides et Almohades (Al Morabitun u al mohayidin) reconquirent l'Espagne chrétienne jusqu'à Saragosse...
Il faut encore, revenant en arrière, ne pas oublier de dire qu'au IXème siècle, les conquérants Aghlabides de Kairouan en Tunisie ont conquis la Corse, la Sicile et le sud de l'Italie (840).
Curieusement, les européens appelèrent ces maghrébins de l'Est « Sarrasins ». Ceux-ci importèrent les chevaux du Maghreb dans le mezzogiorno italien. Les rois autrichiens Habsbourg les appelèrent « Napolitains » quand, en 1580, ils fondèrent le haras de Lipizza.
Car, vous savez sans doute, qu'une famille de lipizzaners s'appelle « Napolitano ». Ce sont des dérivés de barbes ! Etonnant ?
IIème PARTIE
LE BARBE
Enfin ! vous nous parlez du barbe ... me direz-vous ? Vous avez compris que nous le suivons à la trace depuis les Romains ? sans doute ! mais il n'avait pas encore son nom. Eh bien le voici !
En 1550 à Venise, en 1556 à Lyon, parait un livre intitulé : « La description de l'Afrique ». L'auteur est Jean Léon (dit) l'Africain, professeur d'arabe à l'Université de Bologne. Qui est-ce ? C'est El Hassan ben Mohamned El Wazzani ez zayyati, né à Grenade en 1489. Fuyant les Espagnols de la « reconquista », il est fait prisonnier par les corsaires italiens. Il est acheté par le Pape Léon X qui en fait un homme libre et le baptise : Jean Léon ! Dès lors, il se fera appelé en arabe : Yahia-al Asad-al Ghanati, Jean le Lion de Grenade. Il écrit dans ce livre à propos de notre cheval :
« Ces chevaux sont appelés BARBERI en ITALIE, et il en est ainsi dans toute l'EUROPE parce qu'ils viennent de la BARBERIA. Ils sont d'une espèce qui naît dans ce pays ». Voilà ! Le dictionnaire italien confirme, en effet, que le « BARBERO » est « cavallo della Barberia ».
Le Grand Robert le certifie : « BARBE, nom de l'italien BARBERO, dérivé de BARBERIA, cheval d'Afrique du Nord ».
Par contre pour le « Standard dictionnary in English lanquage » Barb signifie : « cheval importé par les MAURES de BARBARIE en Espagne » !
Ce sera l'un de vos compatriotes qui tranchera la question dans son livre « Le Haras des chevaux », publié à Anvers en 1614. Il s'agit du Sieur JEAN TAQUET, seigneur de Lechêne, de Helst, et autres lieux de Belgique et Luxembourg, ECUYER des Princes. Il écrit que parmi les plus nobles étalons qu'il faut importer, il y a ceux de BARBARIE :
« ...les chevaux morisques ou de BARBARIE [passent] d'Afrique en Italie, [et] de là ils viennent [jusqu’] à nous... ». « Barbarie vers midi en Afrique, d'où ces chevaux MORES ou BARBES nous viennent ;... ». « Ils sont petits, mais forts au travail continuel et supportant beaucoup... ». Enfin, notre cheval est clairement identifié ! n'est-ce-pas ?
Avant d'aller plus loin en Europe, nous devons faire un tour au delà de l'Atlantique. En effet, il faut mentionner la migration extraordinaire du cheval des Zénètes, le genet d'Espagne, vers les Amériques à partir de 1492. Prolifique, il s'y est depuis reproduit de façon étonnante et a repeuplé tout le nouveau monde qui était vide de chevaux !
Evénement d'une telle importance, que l'on prétend avec raison, que toutes les races des steppes américaines « mustang - criollo - etc... » sont des dérivés des Barbes !...
C'est pourquoi nous avons accepté à l'O.M.C.B. (1) la « Spanish Barb Association » des USA.
Revenons aux XVIIème et XVIIIème siècles en Europe. Tout s'est passé alors comme si le message de Jean Taquet avait été entendu « Princes ! peuplez vos terres d'étalons orientaux ».
En France, toutes les bonnes écuries sont remontées de barbes. L'écuyer du Roi, PLUVINEL, enseigne l'équitation au jeune Louis XIII sur le cheval « le mieux dressé de la chrétienté » tel qu'on l'appelle « Le Bonite » (le meilleur), de son nom véritable « Barbe Bai »
Cinquante ans plus tard, en 1665, le Grand Roi Louis XIV décide d'améliorer l'élevage des chevaux de selle en son Royaume, par des étalons qu'il fait acheter en BARBARIE. Il les fait distribuer dans les Provinces de Poitou, Saintonge et Auverqne.
En Angleterre, c'est au cours de ces deux siècles que fut créé « le cheval de course anglais », dont le stud book de Weatherby, en 1791, nous donne les pedigrees. On découvre :
« que le BARBE a plus à faire avec notre pur sang anglais que l'ARABE » selon Mr. Sidney, hippologue. Il ajoute qu’ « il n'y a aucun pedigree que l'on puisse tracer au delà de Morocco barb, appartenant à Lord General Fairfax ». Ce dernier était un compagnon de Cromwell. (Voir « Le livre du cheval », Paris 1892 par Sidney, p. 246-327).
Voilà, à grands traits, l'histoire du cheval BARBE avant la Révolution de 1789.
Au cours des guerres de la République et de l'Empire toutes les ressources en chevaux, en France et en Europe, furent utilisées dans leurs armées. Celles-ci firent des campagnes sur tout notre continent de Naples et Lisbonne, à Vienne, Berlin et Moscou. Les cavaliers de la Grande Armée ont payé chèrement la mauvaise qualité des chevaux de selle de troupe européens. Tout cela se termina en 1814 par l'entrée des COSAQUES à Paris !
Les vétérans, ayant survécu à ces aventures, transmirent aux jeunes générations l'idée simple et incontournable qu’ « une bonne cavalerie se fait d'abord avec des chevaux : Agiles, Dociles, Sobres, Rustiques et Endurants ». Pour eux le meilleur cheval était celui des Cosaques ! Mais comment produire des chevaux de cette sorte dans nos pays fertiles qui n'engendrent que des animaux de traits aux muscles épais ? Dilemme !
Les Hasards et l'Ironie de l'Histoire firent que les héritiers de MURAT vaincu au Nord par les Cosaques, seront eux, vainqueurs au sud dans un théâtre d'opérations au moins aussi difficile sinon plus ! La raison déterminante de ce succès a été, qu'ils ont trouvé au sud de la Méditerranée le meilleur cheval de selle de guerre de troupe : LE BARBE.
Cela dit, partons à la recherche du cheval du Maghreb.
Ière PARTIE
Dans l'Antiquité, les Européens occidentaux que nous sommes, héritiers des Romains, se souviennent qu'à la fin de cette période historique, les territoires de la rive sud de la Méditerranée constituaient les provinces : de Cyrénaïque, d'Afrique, de Numidie et de Maurétanie (Tingitane et Césarienne : Tanger et Cherchell) appartenant à l'EMPIRE d'AUGUSTE et à ses successeurs.
Les provinces d'Afrique et de Numidie étaient le « grenier à blé » de Rome. Pour les protéger contre les raids des nomades cavaliers (car à cette époque le dromadaire n'avait pas encore été introduit au Sahara et les nomades chameliers n'existaient pas !), les Romains imaginèrent et réalisèrent un énorme dispositif défensif. On l'appelle dans l'histoire de l'Antiquité : « (le) limes et fossatum Africae » !!!
Il était constitué de forts et fortins, de routes et chemins, de fossés et de murs ; soit une ligne de défense avancée quasi-continue, qui partant de LEPTIS MAGNA (Tripoli), contournait les AURES par le sud et remontant vers le nord ouest, atteignait CESAREE (Cherchell).
Cette ligne de défense était soutenue en profondeur par un réseau de voies (romaines) pour amener les renforts des villes de garnisons : Thelepte (Feriana) - Tébessa - Timgad - Lambasis - etc...
En 1992, j'étais à la fête annuelle des « Ouled sidi Tlil » à Feriana (S.O. de la Tunisie - haute steppe). Mon ami Fathi Tlili, descendant direct des Saints Fondateurs de la « Zaouïa », me fit cadeau de pièces de monnaies à l'effigie de TRAJAN, empereur de 98 à 117 ; pièces trouvées dans sa ferme de Thelepte : le Haras el Kheïma !
Ainsi nous avons la preuve que, de même qu'ils durent combattre les cavaliers Parthes dans l'orient de leur empire, les Romains ont dû faire face en Afrique du Nord à une puissante menace des Cavaliers Gétules. L'importance du système de défense prouve les qualités guerrières des Cavaliers de ces populations des steppes du sud et la réalité de la menace qu'ils firent peser sur l'Empire.
Les chevaux de ces nomades étaient les lointains ancêtres de nos Barbes, des bonnes variétés du Sud et des hauts plateaux.
A la même époque, dans les colonies romaines au nord du « Limes », existaient aussi des races de chevaux de sédentaires, tant à l'Est qu'à l'Ouest, près du littoral maritime. On peut les voir sur les mosaïques rassemblées au Musée du Bardo à Tunis et celles des ruines de Volubilis au Maroc. Ces chevaux là étaient déjà caractérisés par leurs rondeurs et l'épaisseur de leurs muscles !
Au Moyen-âge, à la fin de l'empire romain, les limes désertés par les milices locales s'ouvrirent et laissèrent passer les « Barbares » au Nord (ici même) et, les « nomades cavaliers » au Sud.
Au Nord, les Vandales, à la triste mémoire, ravagent les Gaules et pénètrent en Espagne vers 409. Ils y resteront jusqu'en 425, puis passeront en Maurétanie. Sous les ordres de Genséric, ils pillent toutes les colonies romaines du littoral et arrivent à Carthage en 439.
Certains prétendent qu'il auraient fait ce long chemin avec leurs chevaux germaniques (?), dont ils veulent faire des ancêtres Barbe ? Hypothèse hasardeuse ! En tout cas, le métissage imaginé n'aurait pu se faire que sur de faibles effectifs et se serait limité aux rives de la Méditerranée ! Là où, plus tard, on trouvera les plus mauvais barbes.
Au Sud de l'empire, et dans le même temps, le « limes africae » s'ouvrit aux nomades cavaliers qui le harcelaient depuis des siècles ! Ils se répandirent avec leurs troupeaux de moutons et de chèvres du 32° au 36° parallèles, régions des steppes. Ainsi s'établit au nord du Sahara le système de transhumance sud-nord et retour des nomades pasteurs cavaliers, organisés en Tribus puissantes, et ceci pour des siècles. Ce système pastoral est connu sous le nom arabe d'ACHABA, du mot « e’acheb » qui veut dire herbe. Il produira les meilleurs moutons et les meilleurs chevaux !
Ibn Khaldoun, le grand historien des tribus de l'Afrique du Nord, a désigné ces populations nomades du Maghreb sous le nom de « ZENETES ». Alors qu'il appelait « SANHAJAS », les montagnards sédentaires de cette même région.
Il faut bien comprendre que ce sont les Zénètes qui ont produit, élevé et sélectionné, dans ces régions steppiques du sud, grâce à leur mode de vie nomade et pastoral, le véritable cheval du Maghreb. Il sera appelé « barbe » plus tard !...
Les Vandales disparurent après avoir été vaincus par Bélisaire en 534, envoyé par Justinien, Empereur de Byzance pour reconquérir la province romaine d'Afrique. Cette reconquête se limitera aux cités du nord du 36° parallèle.
LES BERBERES
Les Zénètes ne reconnurent jamais l'autorité de Byzance. Leurs descendants, à notre époque, s'appellent eux-mêmes « IMAZIGHEN », c'est-à-dire « hommes libres ».
Car, en effet, après la chute de l'Empire romain d'Occident, les zénètes possédèrent toutes les steppes pré-sahariennes et toutes les hautes steppes (Hauts plateaux) jusqu'au 36° parallèle. Des siècles de liberté durant lesquels ils nomadisent avec leurs troupeaux, des pâturages d'hiver de Ghardaïa au Sahara, aux pâturages d'été dans le Tell de Tiaret. Leurs chevaux sobres et endurants permettaient à leurs cavaliers de protéger leur « achaba », mais aussi de faire des razzias chez les tribus congénères. C'était cela l'économie nomade !
Mais au VIIème siècle, de nouveaux conquérants arrivent par terre. Ils viennent du MASHREK.
LES ARABES
Ce sont les ARABES ! Maître de La Mecque en 630, le Prophète MAHOMET (mort en 632) lança les croyants à la conquête du monde ; ils prenaient Jérusalem en 638.
En 647, après avoir soumis la Libye. avec 400 chevaux, les arabes atteignent l'Afrique Byzantine. Ces conquérant venant d'Arabie marchaient vers l'ouest... vers le coucher du soleil, qui se dit en arabe: « moghreb ». C'est pourquoi, ils donnèrent à ces nouvelles terres, entre le grand désert et la mer, le nom de « Djaziret al Maghrib », l'île du couchant (Magreb en prononciation française).
Ces arabes ne comprenaient pas le langage des Zénètes et des Sanhajas
Ils dirent : « c'est un jargon », qui se traduit en arabe par « barbara ». Nous en avons fait « berbère ». D'autant plus facilement que le nouveau nom donné à cette époque à cette région par les européens était « barbaria ».
Les nomades Zénètes étaient aussi bons cavaliers, voire meilleurs, que les conquérants arabes ! Ceux-ci apportaient d'Orient la selle avec étriers et la ferrure pour les chevaux. Les guerres favorisant les échanges de techniques, les Zénètes les adoptèrent. C'était un progrès considérable qui explique pourquoi la conquête du Maghreb fut si difficile et longue. Elle ne sera achevée qu'en 709. Tandis que la conquête suivante, celle de l'Espagne, qui sera faite par les cavaliers Berbères Zénètes sera très rapide ... quelques années !
Le nom de Sidi OKBA ben NAFA reste attaché à la conquête du Maghreb. En 670, il établit sa base d'opérations au Nord-Est de la zone des steppes qu'il voulait conquérir. C'est Kairouan, la plus ancienne ville arabe du Maghreb. On reconnaît dans ce nom celui de « Karaouan » c'est-à-dire « caravane ». Ce fut d'abord le « campement » des caravanes de la conquête.
Après la création de sa base de départ, et avant de se mettre en campagne, Sidi OKBA renouvela et augmenta sa cavalerie. _Il la remonta avec les chevaux des nomades de la réqion qui s'étend de Kairouan à Khenchela. Il recruta les cavaliers berbères récemment convertis à l'Islam.
Alors il put se lancer à travers le Maghreb. Par Thelepte - Tébessa - Timgad - Tihaert - Calama (Tlemcen), il atteint le Moghreb et aqsa (Maroc), et par Oulila (Volubilis la romaine), il parvint à Tingis sur le détroit des colonnes d'Hercule (Tanger). On dit qu'arrivé sur les plages de l'Atlantique, il poussa son cheval (barbe ?) dans les flots et prit Dieu à témoin qu'il avait fini la conquête.
C'est au retour de cette grande expédition, revenant à Kairouan, qu'il mourut au combat en 663, près de Biskra où il est enterré.
Il est important de noter que cette nouvelle conquête de l'Afrique du Nord par un nouveau conquérant, venant par terre, se fit par l'intérieur, par les steppes des Zénètes. Ces nomades se convertirent à la nouvelle religion et vinrent grossir les rangs des « Cavaliers de l'Islam ».
Cette conquête du Maghreb se termina en 709 avec la prise définitive de Tanger par l'Émir berbère Tarik ben Ziad.
En 711, ce berbère envahit l'Espagne des Wisigoths avec 8000 cavaliers et chevaux zénètes. Ils débarquent dans la baie dominée par la montagne célèbre qui prendra le nom du conquérant : Gibraltar, le djebel de Tarik !
Les renforts berbères ne cesseront pas de rejoindre les avant-gardes ... et Tarik s'emparera en quelques mois de tout le sud de l'actuelle Andalousie : Al Andalus, désormais province du Maghreb !
En 712, l'émir Moussa ben Nuçair débarque à son tour à Al Djezair (Algésiras) avec 15 000 chevaux zénètes. Il achève la conquête de la péninsule jusqu'aux Pyrénées (719). Ainsi l'Espagne a été conquise en quelques années. Attirés par le butin, les cavaliers berbères islamisés se sont déversés sur l'Europe avec leurs chevaux. Car il faut savoir que la coutume musulmane donnait trois parts du butin au cavalier pour une seule part au fantassin.
Ces cavaliers allèrent jusqu'à la Loire et à la Saône ; ils garderont Narbonne jusqu'en 759.
Voilà comment s'est produite la première importation massive du cheval du Maghreb en Europe.
Elle est prouvée par les traces laissées dans les parlers européens. Vous le savez : le genet d'Espagne fut considéré longtemps comme le meilleur cheval de selle. Eh bien, ce n'est autre que le « zénète d'Espagne », c'est-à-dire le produit né en Espagne de l'étalon berbère (Das berber-pferd).
Notons encore, pour être complet, qu'au Moyen-âge, ce cheval est aussi connu en Europe sous le nom de More ou de Morisque. La raison en est qu'au XIème et au XIIème siècles, les cavaliers marocains des dynasties Almoravides et Almohades (Al Morabitun u al mohayidin) reconquirent l'Espagne chrétienne jusqu'à Saragosse...
Il faut encore, revenant en arrière, ne pas oublier de dire qu'au IXème siècle, les conquérants Aghlabides de Kairouan en Tunisie ont conquis la Corse, la Sicile et le sud de l'Italie (840).
Curieusement, les européens appelèrent ces maghrébins de l'Est « Sarrasins ». Ceux-ci importèrent les chevaux du Maghreb dans le mezzogiorno italien. Les rois autrichiens Habsbourg les appelèrent « Napolitains » quand, en 1580, ils fondèrent le haras de Lipizza.
Car, vous savez sans doute, qu'une famille de lipizzaners s'appelle « Napolitano ». Ce sont des dérivés de barbes ! Etonnant ?
IIème PARTIE
LE BARBE
Enfin ! vous nous parlez du barbe ... me direz-vous ? Vous avez compris que nous le suivons à la trace depuis les Romains ? sans doute ! mais il n'avait pas encore son nom. Eh bien le voici !
En 1550 à Venise, en 1556 à Lyon, parait un livre intitulé : « La description de l'Afrique ». L'auteur est Jean Léon (dit) l'Africain, professeur d'arabe à l'Université de Bologne. Qui est-ce ? C'est El Hassan ben Mohamned El Wazzani ez zayyati, né à Grenade en 1489. Fuyant les Espagnols de la « reconquista », il est fait prisonnier par les corsaires italiens. Il est acheté par le Pape Léon X qui en fait un homme libre et le baptise : Jean Léon ! Dès lors, il se fera appelé en arabe : Yahia-al Asad-al Ghanati, Jean le Lion de Grenade. Il écrit dans ce livre à propos de notre cheval :
« Ces chevaux sont appelés BARBERI en ITALIE, et il en est ainsi dans toute l'EUROPE parce qu'ils viennent de la BARBERIA. Ils sont d'une espèce qui naît dans ce pays ». Voilà ! Le dictionnaire italien confirme, en effet, que le « BARBERO » est « cavallo della Barberia ».
Le Grand Robert le certifie : « BARBE, nom de l'italien BARBERO, dérivé de BARBERIA, cheval d'Afrique du Nord ».
Par contre pour le « Standard dictionnary in English lanquage » Barb signifie : « cheval importé par les MAURES de BARBARIE en Espagne » !
Ce sera l'un de vos compatriotes qui tranchera la question dans son livre « Le Haras des chevaux », publié à Anvers en 1614. Il s'agit du Sieur JEAN TAQUET, seigneur de Lechêne, de Helst, et autres lieux de Belgique et Luxembourg, ECUYER des Princes. Il écrit que parmi les plus nobles étalons qu'il faut importer, il y a ceux de BARBARIE :
« ...les chevaux morisques ou de BARBARIE [passent] d'Afrique en Italie, [et] de là ils viennent [jusqu’] à nous... ». « Barbarie vers midi en Afrique, d'où ces chevaux MORES ou BARBES nous viennent ;... ». « Ils sont petits, mais forts au travail continuel et supportant beaucoup... ». Enfin, notre cheval est clairement identifié ! n'est-ce-pas ?
Avant d'aller plus loin en Europe, nous devons faire un tour au delà de l'Atlantique. En effet, il faut mentionner la migration extraordinaire du cheval des Zénètes, le genet d'Espagne, vers les Amériques à partir de 1492. Prolifique, il s'y est depuis reproduit de façon étonnante et a repeuplé tout le nouveau monde qui était vide de chevaux !
Evénement d'une telle importance, que l'on prétend avec raison, que toutes les races des steppes américaines « mustang - criollo - etc... » sont des dérivés des Barbes !...
C'est pourquoi nous avons accepté à l'O.M.C.B. (1) la « Spanish Barb Association » des USA.
Revenons aux XVIIème et XVIIIème siècles en Europe. Tout s'est passé alors comme si le message de Jean Taquet avait été entendu « Princes ! peuplez vos terres d'étalons orientaux ».
En France, toutes les bonnes écuries sont remontées de barbes. L'écuyer du Roi, PLUVINEL, enseigne l'équitation au jeune Louis XIII sur le cheval « le mieux dressé de la chrétienté » tel qu'on l'appelle « Le Bonite » (le meilleur), de son nom véritable « Barbe Bai »
Cinquante ans plus tard, en 1665, le Grand Roi Louis XIV décide d'améliorer l'élevage des chevaux de selle en son Royaume, par des étalons qu'il fait acheter en BARBARIE. Il les fait distribuer dans les Provinces de Poitou, Saintonge et Auverqne.
En Angleterre, c'est au cours de ces deux siècles que fut créé « le cheval de course anglais », dont le stud book de Weatherby, en 1791, nous donne les pedigrees. On découvre :
« que le BARBE a plus à faire avec notre pur sang anglais que l'ARABE » selon Mr. Sidney, hippologue. Il ajoute qu’ « il n'y a aucun pedigree que l'on puisse tracer au delà de Morocco barb, appartenant à Lord General Fairfax ». Ce dernier était un compagnon de Cromwell. (Voir « Le livre du cheval », Paris 1892 par Sidney, p. 246-327).
Voilà, à grands traits, l'histoire du cheval BARBE avant la Révolution de 1789.
Au cours des guerres de la République et de l'Empire toutes les ressources en chevaux, en France et en Europe, furent utilisées dans leurs armées. Celles-ci firent des campagnes sur tout notre continent de Naples et Lisbonne, à Vienne, Berlin et Moscou. Les cavaliers de la Grande Armée ont payé chèrement la mauvaise qualité des chevaux de selle de troupe européens. Tout cela se termina en 1814 par l'entrée des COSAQUES à Paris !
Les vétérans, ayant survécu à ces aventures, transmirent aux jeunes générations l'idée simple et incontournable qu’ « une bonne cavalerie se fait d'abord avec des chevaux : Agiles, Dociles, Sobres, Rustiques et Endurants ». Pour eux le meilleur cheval était celui des Cosaques ! Mais comment produire des chevaux de cette sorte dans nos pays fertiles qui n'engendrent que des animaux de traits aux muscles épais ? Dilemme !
Les Hasards et l'Ironie de l'Histoire firent que les héritiers de MURAT vaincu au Nord par les Cosaques, seront eux, vainqueurs au sud dans un théâtre d'opérations au moins aussi difficile sinon plus ! La raison déterminante de ce succès a été, qu'ils ont trouvé au sud de la Méditerranée le meilleur cheval de selle de guerre de troupe : LE BARBE.